Revenu universel : utopie dangereuse ou révolution sociale en marche ?

20 juillet 2025 Economie

Imaginez un monde où chaque citoyen, sans distinction, reçoit chaque mois un revenu fixe. Sans condition, sans justification. Ni chômage, ni RSA, ni dossiers interminables à remplir. C’est le principe du revenu universel. Une idée qui ne date pas d’hier, mais qui revient avec insistance dans les débats politiques, économiques et philosophiques. Faut-il y voir une réponse radicale aux inégalités, ou un mirage qui risque d’embrumer nos finances publiques ? Le sujet mérite qu’on s’y arrête, posément, sans slogans ni dogmes.

Lutter contre la précarité : promesse tenue ?

Le principal argument en faveur du revenu universel est limpide : il garantirait un minimum vital à chacun. En supprimant les conditions d’éligibilité, il mettrait fin à l’exclusion de celles et ceux qui passent entre les mailles du filet social. Plus de non-recours aux aides, plus de stigmatisation. Pour les partisans du projet, c’est un rempart direct contre la pauvreté, un outil puissant pour assurer la dignité de tous.

Mais ce filet de sécurité universel serait-il réellement efficace ? Tout dépend du montant versé. Un revenu insuffisant risque de ne rien changer aux conditions de vie des plus précaires. Trop généreux, il deviendrait difficilement soutenable sur le plan budgétaire. L’équation est délicate. Et c’est sans compter les disparités de coût de la vie entre territoires, qui rendent l’universalité du montant plus théorique que pratique.

L’administration simplifiée… ou rendue plus complexe ?

Sur le papier, le revenu universel présente un atout indéniable : la simplification. Fini l’empilement d’aides sociales, les vérifications administratives, les contrôles intrusifs. Un seul versement, automatique, sans justification. L’administration y gagnerait en efficacité, et l’État en lisibilité.

Mais la suppression totale des autres aides est-elle réaliste ? Peut-on vraiment imaginer que ce revenu, s’il est identique pour tous, suffira aux personnes en situation de handicap, aux familles monoparentales ou aux étudiants ? Pour de nombreux observateurs, le risque est clair : remplacer des aides ciblées par une allocation uniforme pourrait affaiblir l’outil social au lieu de le renforcer.

Le travail repensé, libéré… ou dévalorisé ?

Voilà l’un des points les plus sensibles du débat. Le revenu universel modifie en profondeur notre rapport au travail. Certains y voient une chance historique : celle de s’affranchir de l’obligation de travailler pour survivre, de retrouver du temps pour créer, se former, s’engager. C’est la vision d’une société où l’on travaille par choix, non par nécessité.

D’autres y perçoivent une menace pour la valeur du travail. Pourquoi continuer à se lever tous les matins si l’on peut toucher un revenu sans rien faire ? La motivation pourrait s’effondrer, surtout pour les emplois pénibles ou mal rémunérés. C’est un scénario que redoutent nombre d’économistes, qui alertent sur les effets possibles sur la productivité, l’éthique professionnelle, voire le lien social.

Une transformation profonde de nos sociétés

Au-delà des chiffres et des finances, le revenu universel interroge notre modèle de société. Que voulons-nous valoriser ? L’emploi salarié à tout prix, ou l’autonomie, la créativité, le temps libre ? En libérant chacun du souci de sa subsistance, ce revenu pourrait devenir un terreau fertile pour l’innovation, l’art, la participation citoyenne. Une société moins pressée, plus solidaire, plus audacieuse ?

Des expérimentations ont déjà été menées, en Finlande, au Canada, ou encore au Kenya. Les résultats sont nuancés, parfois prometteurs, souvent insuffisamment documentés. On y observe une légère amélioration du bien-être, un impact modeste sur l’emploi, mais aussi des difficultés d’évaluation à grande échelle. Ce qui fonctionne dans une région pilote peut-il être transposé à l’échelle d’un pays tout entier ?

Le casse-tête du financement

C’est le nerf de la guerre. D’où viendrait l’argent pour financer un revenu distribué à des millions de citoyens ? Les scénarios divergent. Certains défendent une refonte fiscale profonde, une taxation plus forte des hauts revenus ou des grandes entreprises. D’autres misent sur une réduction des coûts liés à la bureaucratie sociale, ou encore sur la manne de la création monétaire.

Mais dans un monde déjà frappé par les dettes publiques massives, l’idée fait grincer des dents. Le risque d’inflation n’est pas à écarter, tout comme la tentation d’un revenu universel « au rabais », qui ne remplirait pas ses promesses.

Entre espoir et inquiétude, un débat essentiel

Le revenu universel n’est pas une lubie d’économistes en mal de théories. C’est une piste sérieuse, qui mérite mieux que des caricatures. Il ne s’agit ni d’un chèque magique, ni d’un abandon des responsabilités individuelles. Mais bien d’un levier possible face aux bouleversements du XXIe siècle : automatisation, précarisation, changement climatique.

Les questions qu’il soulève sont vertigineuses. Quel est le rôle de l’État ? Jusqu’où va la solidarité ? Peut-on découpler dignité humaine et activité rémunérée ? Faut-il repenser entièrement le contrat social ? En cela, le débat sur le revenu universel est salutaire. Même s’il ne débouche pas sur une mise en œuvre immédiate, il oblige à poser les bonnes questions. Et c’est déjà une avancée considérable.